Son compteur restera bloqué à 118 sélections! L'annonce mardi d'une conférence de presse pour le lendemain au siège de la FFR n'avait guère laissé de doutes quant à ses intentions: Fabien Pelous a confirmé ce mercredi qu'il mettait un terme à sa carrière internationale. A 34 ans, le deuxième ligne du Stade Toulousain, qui avait fait du Mondial 2007 l'ultime défi d'une aventure bleue débutée en 1995, se retire sans esbroufe, malgré son statut de légende vivante de l'Ovalie tricolore. "C'est une tranche de vie qui s'achève. Tout a une fin", a-t-il commenté...
Fabien Pelous vient de tourner une page de douze années.
"Je ne me suis jamais focalisé sur les records. J'en retire forcément de la fierté mais c'est seulement lorsqu'on a quitté la scène qu'on peut les apprécier, éprouver le plaisir d'avoir laissé une trace." Fabien Pelous n'est pas du genre à s'appesantir sur ses états de service qui, aujourd'hui, font pourtant partie des plus belles carrières internationales dans l'histoire du jeu... Mais mercredi, rue de Liège, à Paris, dans un siège de la Fédération française plus étroit que jamais, le joueur le plus capé de l'histoire de l'équipe de France a, en compagnie du Président Bernard Lapasset, également convié à cette conférence de presse convoquée par Pelous lui-même, dû faire une entorse et sacrifier au bilan pour jeter un oeil ému dans le rétro, sur près de douze années de présence chez les Bleus et un palmarès à la hauteur de cette longévité!
Un petit mois après la frustrante élimination en demi-finale de la Coupe du monde par l'Angleterre (14-9), Pelous, qui honora ce 13 octobre dernier, sur la pelouse du Stade de France, la dernière de ses 118 capes sous le maillot de l'équipe de France, a tiré sa révérence. Des adieux à l'international pour le deuxième ligne toulousain qui, à bientôt 34 ans - il les aura le 12 décembre prochain - entend bien honorer comme il se doit sa dernière saison en club sous les couleurs d'un Stade Toulousain avec lequel, il y a deux ans, il avait tenu à s'engager pour une saison supplémentaire à l'issue du Mondial. Victime d'une lésion d'un cartilage costal dès la première période de la demi-finale face au XV de la Rose, Pelous, privé pour cette raison du match pour la troisième place face aux Pumas mais surtout d'une sortie digne de son exceptionnel parcours, met depuis, selon certains observateurs, une telle ardeur à l'entraînement qu'il n'était pas question du reste d'annoncer une totale retraite sportive ce mercredi.
Pelous: "Pouvoir porter ce maillot, cela signifiait beaucoup..."
En revanche, le trophée que lui avait accordé l'IRB en clôture de la Coupe du monde pour saluer sa carrière en bleu avait déjà le goût d'un au-revoir. Et la moindre de ses apparitions publiques, comme ce fut le cas dimanche lors de la remise du trophée du Masters Series de tennis, à Bercy, donnait depuis lieu à l'hommage de la patrie reconnaissante pour l'un des plus beaux guerriers de son temps. Car c'est un monstre que l'équipe de France a perdu ce mercredi, un joueur qui a traversé les époques, celle de l'amateurisme à ses débuts, puis de l'entrée dans le professionnalisme. Un deuxième ligne qui débute dans la carrière internationale à 21 ans lorsqu'au sortir de la Coupe du monde 1995, que les Bleus ont fini à la troisième place, Jean-Claude Skrela et Pierre Villepreux font appel à Pelous pour disputer la Coupe Latine, en Argentine. Ce 17 octobre 1995, celui qui évolue encore sous les couleurs de Dax à l'époque honore sa première cape face à la Roumanie. La suite, c'est Pelous qui nous la raconte: "Le souvenir reste vague. Ça fait si longtemps... Dix ans en fait. La première cape, la remise des maillots, le premier hymne, c'est quelque chose. Ça vous marque. (...) Je me rappelle d'un stade champêtre, à mes côtés, en deuxième ligne, j'étais associé à Olivier Merle, la « Merluche » comme on l'appelait à l'époque. Première sélection et premier essai: je me suis calmé depuis... Sur le coup, Philippe Carbonneau joue rapidement une pénalité à la main et moi, j'arrive lancé. Rien d'exceptionnel, la ligne était à dix mètres. Plus que cet essai ou le match en lui-même, c'est en fait la symbolique de cette première fois sous le maillot de l'équipe de France qui m'a marqué. Pouvoir porter ce maillot, cela signifiait beaucoup." La sage de Pelous en bleu est lancée et sa trajectoire ne tarde pas à emprunter les plus beaux détours...
Comme ce 11 novembre 1995. A Toulouse, devant ses proches, Pelous, pour ce qui n'est que sa troisième sélection, a rendez-vous avec le mythe all-black. Une découverte à jamais marquée dans sa mémoire: "Tous les paramètres sont réunis à l'occasion de ce match. Il y a tout... Je débute à peine dans la carrière internationale et je commence par ce qui se fait sans doute de mieux. Imaginez, les All-Blacks, l'équipe mythique par excellence, Lomu et les autres arrivent à Toulouse après la Coupe du monde en Afrique du Sud où ils n'ont échoué qu'en finale sur les Boks. Et là devant ma famille, pour ma première sélection en France, on bat les Néo-Zélandais avec trois essais à la clé (victoire 22-15).Un souvenir inoubliable d'autant que ce succès intervenait dans le contexte d'une équipe de France en pleine reconstruction. J'aurais pu en rester là, disons qu'ensuite j'ai persévéré..."
C'est le moins que l'on puisse dire en effet d'un joueur qui, à l'heure des adieux, peut se vanter d'avoir vaincu au moins une fois toutes les grandes nations du rugby. Pelous se payera lui le luxe de dominer les Néo-Zélandais une nouvelle fois, quatre ans plus tard, à Twickenham, cette fois en demi-finale de la Coupe du monde (victoire 43-31). Et s'il était également présent le 6 octobre dernier au Millenium de Cardiff pour prendre part une nouvelle fois à la destitution de l'ogre black, c'est bien cet exploit de 1999, qui l'aura marqué: "Plus qu'une simple satisfaction personnelle, je garde de ce match et de cette épopée le souvenir d'une génération parvenue durant cette Coupe du monde et, ce jour-là en particulier, à son apogée. Cette équipe, dont la plupart était né entre 1971 et 1975 avec Raphaël Ibanez, Richard Dourthe, Thomas Castaignède, Olivier Magne..., a su réaliser quelque chose d'exceptionnel, hors du commun. Parce qu'à la lecture des statistiques de l'époque, l'hémisphère sud était clairement en avance sur l'hémisphère nord. Alors parvenir à dominer de la sorte les All-Blacks, que tout le monde donnait archi-favoris face à l'équipe de France, et atteindre cette finale de Coupe du monde, ça représentait une performance de très haut niveau."
"Un exemple pour tous..."
D'une résistance hors du commun à un poste où les physiques sont pourtant mis à rude épreuve, Pelous aura su imposer le respect tout au long de sa carrière internationale, par sa réputation, loin d'être usurpée, de joueur dur tout d'abord, mais aussi et surtout par son exceptionnelle longévité qui lui permettra ainsi de disputer onze Tournois de rang de 1996 à 2006! Il n'aura pas mené les Bleus en Coupe du monde mais du haut de ses 42 capitanats, il est le joueur ayant conduit les Tricolores au feu le plus de fois. Rattrapé par les blessures et trahi ces dernières saisons par ce physique (1,98 m, 108 kilos) qui l'aura pourtant si longtemps tenu droit, le Toulousain, après avoir atteint le statut de centurion en 2005, à Lansdowne Road, et dépassé les 111 capes de Philippe Sella à Marseille, en août dernier, avait redoublé d'efforts, malgré quatre mois et demi sans jouer, pour revenir à temps et disputer le dernier grand rendez-vous de sa carrière chez les Bleus...
Mais après une finale perdue face à l'Australie en 1999 et une demi-finale déjà abandonnée aux Anglais en 2003, Pelous, qui avait rêvé d'une fin en apothéose devant le public français, n'a pu aller au bout de son ambition. On retiendra de lui que, loin de tomber dans le pathétique spectacle d'un Jason Leonard à bout de force et enchaînant les bouts de match pour décrocher en son temps le record de Sella, il n'aura ces dernières saisons poursuivi qu'un seul et unique but: celui de décrocher le titre mondial. Un acharnement qui n'aura de cesse de forcer le respect jusque parmi les plus jeunes de ses partenaires, à l'image d'un Frédéric Michalak: "C'est un joueur dur en apparence, avec un visage marqué mais c'est quelqu'un de gentil et même de rigolo. Il joue à la Playstation à 33 ans. Il est resté jeune dans sa tête avec un très bon esprit collectif, il vit le rugby. C'est un exemple pour tous." L'intéressé, lui, avait accepté il y a quelques temps d'évoquer ce chemin si riche et si long: " Ça prouve une certaine agilité, une certaine robustesse, une certaine confiance des différents entraîneurs. C'est très valorisant, assez flatteur. (...) Avec le recul, je me dis que toutes les étapes ont été importantes, les bons comme les mauvais souvenirs. J'aurais sans doute préféré, un peu de manière utopique, que chacune de ces sélections se solde par une victoire et pourtant, même les plus petites défaites m'ont marqué." Un Pelous fidèle à son image, entier et qui ne regrette rien
Source: http://sports.nouvelobs.com
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